Martine Birobent

Martine était d’abord une sculpteure qui travaillait la matière (…), elle voulait garder l’emprise sur son corps jusqu’à la fin. On avait affaire à une artiste dont la vie tenait uniquement à sa capacité de créer. À partir du moment où elle n’en était plus capable, elle n’était plus dans la vie (Jean-Robert Bisaillon, cité par Yvan Provencher, La Tribune de Sherbrooke, avril 2016). Née à Mont-de-Marsan en France en 1955 et décédée à 60 ans à Asbestos au Québec, Martine Birobent a eu recours à l’aide médicale à mourir. Personnalité rieuse et enthousiaste, capable de mobiliser et d’émouvoir facilement, elle parvenait à transcender un passé difficile, qui constituait le principal moteur de son travail. C’était une touche-à-tout passant de la peinture à la résine, de la fibre de verre au bois, des objets glanés au tricot et au crochet, aux assemblages de poupées cassées, porteuses d’un narratif puissant. Elle aimait « jouer » comme jouent les musiciens, improviser, laisser s’exprimer son « sus-conscient ». Tous les jours, elle investissait les recoins de son atelier et créait de nouvelles œuvres avec passion, toujours guidée par le besoin de dénoncer la censure, la famille, les violences faites aux femmes, aux hommes ou aux enfants, la bêtise et le manque de légèreté. Son travail crève de sens, sa mémoire est vitale. En 2011, elle fonde La Galerie des Nanas pour pouvoir montrer son travail qui dérange alors, et qui dérange encore.

Catalogue en ligne : http://www.martinebirobent.com/
Site officiel : http://www.birobent.com/

Patrick Cady

Quand il découvre les premiers grands sculpteurs inuit, noyés dans la soupe mercantile que les Blancs ont appelé « l’art inuit », il a un choc qui lui ouvre les yeux sur ce qu’il n’avait jamais eu conscience de voir depuis son enfance, comme si les figures diaboliques et humaines du Moyen Âge trouvaient leur préhistoire dans les transformations chamaniques sculptées des siècles après elles. Le sculpteur réalise alors qu’une statuaire l’avait toujours entouré, celle des façades en bois sculptées des maisons médiévales dans la vieille ville traversée chaque jour pour aller à l’école, les Atlantes qui soutenaient les orgues de la cathédrale et jusque dans sa chambre, où une femme en marbre, assise au bord d’un puits, offrait une forteresse imprenable aux figurines naïves représentant des Indiens. C’est en travaillant des morceaux de bois à moitié pourris, ramassés en forêt, qu’il se serait arraché à cette mémoire de la pierre pour donner des formes à des menaces plus contemporaines de destruction, en obéissant au pourrissement du bois pour dégager ce qui pouvait encore être sauvé, « ombres du bois » enfermées dans des boites vitrées, comme des reliques.

Caroline Dahyot

À la fois atelier, demeure et résidence de création, la Villa Verveine, en Picardie, est le quartier général de Caroline Dahyot. La façade de sa maison, qu’elle a entièrement peinte, a déclenché l’opprobre de la mairesse du village, au point d’en faire les manchettes télévisées ! En plus de la peinture et du dessin, Caroline Dahyot crée aussi des poupées et des marionnettes. Son travail est chargé d’amour et de tendresse. Ses scènes familiales et ses couples enlacés aux couleurs vives, aux empreintes post-punk, démontrent beaucoup de charme, de naïveté et de beauté. Pas une ombre de violence dans ce travail frais et spontané, marqué par une vraie patte, une authentique signature, celle d’une artiste avec un cœur à fleur de peau. Elle a été artiste en résidence à La Galerie des Nanas à l’été 2016.

Danielle Jacqui

Née en 1934, Danielle Jacqui est sans conteste l’une des grandes artistes autodidactes des 20e et 21e siècles. Connue dans le monde entier pour « La maison de celle qui peint », considérée comme fondatrice du mouvement des artistes singuliers en Provence et instigatrice du Festival d’art singulier de Roquevaire, Danielle Jacqui est une femme de luttes : pour la reconnaissance de la production artistique populaire et amateur, contre la censure, ou pour sa grande œuvre, l’ORGANuGAMME, une colossale mosaïque d’argile de 35 tonnes, réalisée à Aubagne et installée à Renens, en Suisse. Je me voudrais souvent ailleurs, plus dans le savoir-faire et dans la perfection de ce savoir-faire. Mais, en même temps, je me rends très bien compte de la qualité même de mon travail, né de ce non savoir-faire, de l’imperfection et de l’appesantissement sur l’imperfection (Danielle Jacqui). Son travail, en constante mutation, évite la répétition à laquelle auraient voulu l’astreindre certaines galeries ayant flairé un filon. Elle exposait pour la première fois au Québec en juillet et août 2017, à La Galerie des Nanas.

Shawn Mackniak

Originaire de la Saskatchewan, Shawn Mackniak étudie les beaux-arts et la psychologie à l’Université de Régina puis à l’Université Concordia (Montréal). Mais ce sont surtout ses voyages au Japon, en Thaïlande, au Mexique et en Europe qui lui révèlent la véritable nature de sa pratique de l’art. Fasciné par les différentes mythologies de ces peuples et par les émotions qu’elles expriment, il choisit la céramique pour donner libre cours à son imaginaire nourri de ces récits. De son inconscient et de ses mains surgissent alors, de façon obsessionnelle et boulimique, d’innombrables créatures inquiétantes et grotesques qui viennent peupler son atelier.

Jovette Marchessault

Fait étonnant, Jovette Marchessault a toujours besoin de présentation malgré l’obtention du Prix du Gouverneur général du Canada en 1990. Métisse, lesbienne, pionnière d’une vision holistique, animale et écologique, chérissant ce qu’elle appelait l’invisible, elle incarne sans contredit la genèse des singulières en terre d’Amérique. Pour la majorité de ses contemporains, Jovette fut surtout la modeste très grande dame du théâtre québécois, ayant à son actif près d’une vingtaine de textes marquants dont Madame Blavatsky, spirite. La langue de Jovette Marchessault est en soi une explosion de couleurs et de formes, totalement libre, jamais gratuite. Elle abandonne tôt la production de tableaux et de sculptures parce qu’elle préfère l’écriture, plus directe et moins coûteuse : Je n’ai désormais besoin que de ma machine à écrire et d’un peu de papier, disait-elle. N’en demeure pas moins que ses encres, bas-reliefs, masques et assemblages de bois sont de précieux legs, totalement en phase avec le travail des nouvelles autodidactes. Elle est décédée chez elle, le dernier jour de l’année 2012, à Danville en Estrie, à quelques pas de La Galerie des Nanas.